Le domaine des Grandes Serres, créé à la fin des années 70 à Châteauneuf-du-Pape, est désormais l’un des grands noms de la région. Samuel Montgermont lui insuffle depuis près de 10 ans un nouveau dynamisme et un souci de qualité, reposant sur une vision affranchie des vins de la région.
Par Xavier Aubercy
Ils ont un point commun : l’un et l’autre sont tombés sous le charme de ce petit coin de Vaucluse, dans la vallée du Rhône méridionale, entre Avignon au sud, le Rhône à l’ouest et les dentelles de Montmirail à l’est. Du premier, l’histoire retient qu’il installa officiellement la papauté en Avignon au début du XIV ème siècle et qu’il canonisa saint Thomas d’Aquin au même moment. Mais aussi qu’il fit venir des vignes de Cahors pour développer, autour du château récemment construit au sommet du village qui devait devenir Châteauneuf-du-Pape, un important vignoble. Il s’agit du pape Jean XXII. Du second, il faut reconnaître une authentique passion pour la vigne. Si rien ne le prédestinait à s’installer ici, ce breton de naissance, juriste de formation et rocker à ses heures, ne peut cacher le coup de foudre qu’il a eu pour la région en 2011, lorsque la famille Picard, propriétaire du domaine des Grandes Serres créé à Châteauneuf-du-Pape en 1977, lui en confie les clés. « J’avais carte blanche pour développer le domaine », se souvient Samuel Montgermont, à la tête des Grandes Serres qu’il a placé, en quelques années, parmi les grands noms de la région.
Cette liberté d’action, Samuel Montgermont en a fait bon usage. Remodeler entièrement un domaine n’est pas chose facile mais aujourd’hui, il peut se targuer d’en avoir fait une référence puisque les Grandes Serres, spécialisé dans le négoce mais qui dispose également de quelques hectares de vignes, propose des vins sur la quasi-totalité des appellations de la vallée du Rhône méridionale. A l’automne 2020, il sortira même son premier Châteauneuf-du-Pape en propriété, 100 % grenache et millésimé 2019, qui se présente merveilleusement. Ses vins, dans l’ensemble, sont élaborés sans ajout de sulfites mais Samuel Montgermont ne le crie pas sur tous les toits. « Nos parcelles sont naturellement privilégiées », glisse-t-il humblement. Rapport à un mistral très présent favorisant l’assainissement du vignoble, à un ensoleillement idéal pour la maturité des raisins et à une double saison des pluies en automne et au printemps.
En s’appuyant sur le modèle bourguignon et sur la collaboration avec 25 vignerons, Samuel Montgermont fait aux Grandes Serres un travail d’artisan-négociant et élabore des vins pour toutes les bourses, issus de raisins provenant de différents domaines en AOC. Sa singularité lui souffle de prendre le temps d’écouter le raisin et de laisser parler la matière sans la brusquer. Et le résultat ne trompe pas avec des vins à la fraicheur parfois provocante dans une région où les tanins, souvent, se montrent sous un aspect viril et puissant.
Ainsi quand vient l’été, ce beau Carius blanc 2018 s’impose. Ce Cairanne fait de grenache blanc, de roussanne, de marsanne et de viognier, issu des argiles de la montagne et des garrigues, dévoile un joli nez de fruits d’été légèrement floral. Rond et équilibré, il révèle une minéralité et une grande fraîcheur indissociables d’une belle journée ensoleillée. De son côté, le rosé 2019 sans sulfite, en IGP Méditerranée, exhale sous sa robe pâle des arômes de fraises et d’agrumes. Vif et ample, ce vin naturel du Ventoux, élaboré avec grenache noir, syrah et carignan, séduit par sa longueur invitant à la détente. L’apéro lui convient tout autant que les entrées fraîches de poisson cru. De son côté, le côtes-du-Rhône Village Visan 2019, également bio et sans sulfite, offre une gourmandise franche avec des fruits noirs marqués et des notes mentholées. Les plus avertis y perçoivent le goût franc de l’olive noir. En dépit d’un jus croquant, il surprend par sa fraîcheur et accompagne volontiers les plats aux herbes aromatiques.
> Caveau des Grandes Serres (Gigondas) : 04.90.83.72.22.