Sept ans de développement et un prix « sur demande » mais à 7 chiffres. Et pourtant, au premier regard, la nouvelle Patek Philippe passe inaperçue. Un objet d’art pour esthètes avertis.
Par Olivier Müller
Une fois n’est pas coutume, pour comprendre l’art, il faut d’abord introduire une notion technique : ce qu’est une montre à sonnerie. Il s’agit simplement d’une montre capable de faire « entendre » les heures. Elles ont été créées il y a deux siècles, notamment pour avoir l’heure en un temps où l’électricité domestique n’existait pas. Il suffisait alors d’actionner, sur sa montre de poche, un poussoir qui sonnait trois choses : les heures – par un « dong » pour chacune d’elles -, les quarts – par un « ding-dong » – puis les minutes – par un « ding ». Dit plus simplement : les heures et minutes avaient chacune leur note, tandis que les quarts sonnaient les deux en même temps, comme un accord.
Lorsque les trois – heures, quarts, minutes – sont sonnés, on parle de « répétition minute ». Sans les minutes, on parle simplement de « sonnerie ». Il en existe deux types. La grande sonnerie sonne les heures pleines et les quarts d’heure tout en répétant à chaque quart d’abord les heures pleines. La petite sonnerie, aux quarts, ne répète pas les heures pleines. Il faut donc se souvenir dans quelle heure on se trouve.
Les montres à sonnerie sont deux complications de très haut niveau, pour trois raisons. D’abord, parce qu’elles exigent un très grand nombre de composants, ce qui rend leur mouvement d’une complexité hors norme. Par exemple, un mouvement de base avec simplement les heures, minutes et secondes, comporte en moyenne une centaine de composants. Pour une grande sonnerie, il n’est pas rare d’atteindre entre 500 et 700 composants. Ensuite, alors qu’il y a un siècle ces complications étaient logées au sein d’une montre de poche, il est aujourd’hui d’usage de les faire tenir dans une montre de poignet, c’est-à-dire dans un volume beaucoup plus restreint, ce qui exige des efforts de miniaturisation colossaux. Enfin, la montre de poignet est par nature parfaitement hermétique. C’est donc un véritable défi que d’arriver à produire un son clair et intelligible au sein d’un boîtier qui est conçu pour ne rien laisser sortir !
Patek Philippe intègre d’emblée dans sa production des montres à sonneries. En septembre 1839, quatre mois après sa fondation, la manufacture inscrit dans ses registres sa première pièce de ce type. En 1850 apparaissent dans ces mêmes registres les mentions des premières montres de poche dotées de grandes sonneries. En 1989, Patek Philippe fête son 150e anniversaire en lançant le Calibre 89, qui restera pendant plus d’un quart de siècle le plus compliqué du monde. Parmi ses 33 complications, la pièce intègre une grande/petite sonnerie, mais c’est une montre de poche. Suivra en 2014 une autre grande complication, mais seulement produite à 7 exemplaires.
Ce que propose aujourd’hui Patek Philippe est donc tout simplement la toute première montre-bracelet de collection de la manufacture proposant la grande sonnerie, « graal » des complications horlogères, complétée par une petite sonnerie et par une répétition minutes. La pièce comporte 703 composants, dans seulement 37 mm – un tour de force hors norme. Le choix des sonneries – grande ou petite, et silence – se fait par un sélecteur à 6 heures, apposé sur la carrure. La boîte est en platine, comme un atteste le diamant serti sur la même carrure, comme le veut la tradition Patek Philippe pour toute montre en platine. Il n’en sera manufacturé que quelques unités par an. Tout juste le temps de rassembler un peu plus d’un million d’euros, nous souffle la manufacture…