Il y a tout juste 50 ans, l’horlogerie connaissait l’un des tournants les plus importants de son histoire. En seulement quelques mois, elle vit l’avènement de la montre spatiale, du quartz, du sponsoring horloger et, simultanément, de quelques uns de ses modèles mythiques.
Par Olivier Muller
1969 ne fût pas qu’une année érotique. C’est aussi une année où l’on a su s’envoyer en l’air. C’est en effet cette année-là que le Concorde décolle pour la première fois. Plus haut, plus loin, plus fort : c’est aussi en 1969 que Neil Armstrong pose un pied sur la Lune, le 21 juillet. Dans un autre registre, tout aussi planant, c’est encore cette année que le festival de Woodstock rassemble un demi million de personnes à Bethel, dans l’Etat de New-York, alors que ses organisateurs n’en espèrent que 50 000. Ces différents voyages, plus ou moins conscients, ont marqué leur époque. En 1969, la planète horlogère n’est pas en reste. Elle accomplit, elle aussi, plusieurs révolutions. La plus connue d’entre elles tient en six lettres ; elle allait provoquer un cataclysme sur le monde horloger : le quartz.
Les amateurs d’histoire horlogère frémissent à sa seule évocation. Le quartz horloger, fiabilisé et présenté au monde en 1969, a littéralement balayé l’industrie horlogère. Seiko tire la première salve le jour de Noël, en dévoilant son Astron. Ce n’est pas une première technologique. Contrairement à une idée répandue, le quartz était utilisé bien plus tôt, dès les années 40, en laboratoire de recherche. La montre à quartz avait elle aussi déjà vu le jour, mais rencontrait un problème majeur : sa pile miniaturisée – et hors de prix – ne lui donnait que quelques semaines d’autonomie. Mais Seiko résout en premier ce problème en proposant, en 1969, cette Astron à quartz pour le grand public. A l’époque, elle coûte le prix d’une Toyota Corolla ! Dès lors, le Japon allait s’imposer comme le leader incontesté – et pour de nombreuses décennies – de la montre à quartz. La Suisse n’est certes arrivée qu’un an plus tard – en 1970, notamment avec Girard-Perregaux, pionnier fondateur du quartz – mais ce décalage, couplé à une évidente réticence économique d’une patrie qui voulait défendre sa mécanique horlogère, la plonge dans un retard technologique dont elle met trente ans à se relever.
Heureusement, l’année 1969 comporte aussi certaines des plus belles réalisations d’horlogerie mécanique. Parmi elles, le fameuse Zenith El Primero. Pourquoi fameuse ? Par sa capacité à proposer en série un chronographe mécanique précis au dixième de seconde. Là encore, il faut rendre justice aux pionniers et garder en mémoire que, depuis 1916, la marque Heuer (future TAG Heuer) sait déjà chronométrer le centième de seconde. Toutefois, il s’agissait de chronomètres de sport et non de poignet, en quantités très restreintes et réservés à des usages professionnels. L’El Primero de Zenith devait donc changer la donne. Les amateurs ne manqueront pas de noter que c’est la première fois qu’une collection porte le nom de son mouvement, et inversement. Cinquante ans plus tard, El Primero est toujours un pilier fondamental de la manufacture Zenith.
Autre monument horloger de l’année 1969 : la Monaco de TAG Heuer. Il y a bien des choses à dire à son sujet. La première est que sa sortie s’avère un cuisant échec. Carrée, bleue vif, avec couronne à gauche, la pièce est beaucoup trop en avance sur son temps et ne rencontre pas les faveurs du public. La deuxième porte sur son mouvement, le fameux Calibre 11. Techniquement, c’est un monument historique : c’est le premier chronographe au monde à être automatique, produit d’une collaboration entre Breitling, Leonidas, Hamilton/Büren et Dubois Dépraz. Pourtant, en termes de fiabilité, il y a beaucoup à redire. Le Calibre 11 est sorti de collection quelques mois après sa mise sur le marché pour être remplacé par un aîné autrement plus fiable. Enfin, la Monaco est, malgré elle, le premier cas de sponsoring horloger : affichée – à titre personnel – à son poignet par Steve McQueen, la Monaco s’apprête à devenir culte pour tous les admirateurs à la fois de l’acteur et de la course auto. Un cas d’école.
Enfin, outre la première montre à LED, une Longines, sort également en 1969. Cette année est aussi celle de la première montre à fouler le sol lunaire : une Speedmaster d’Omega, au poignet de l’astronaute Buzz Aldrin. L’histoire veut que même la manufacture n’était pas au courant de sa présence à bord d’Apollo 11, ce 20 juillet 1969. Nul doute qu’Omega saura s’en souvenir cinquante ans plus tard, le 20 juillet 2019, pour un anniversaire dont les collectionneurs attendent beaucoup.