Pour paraphraser la guerre des boutons : “Si j’aurai su, j’aurai venu”….
Un ami m’a offert pour mon anniversaire une paire de boutons de manchette. Dès l’instant où j’ai posé mon regard sur eux, et non pas simplement car j’aime profondément mon camarade, j’ai ressenti que cet objet dans son approche, sa conception et sa beauté était particulier. Comme je savais que d’autre couleurs étaient disponibles je me suis rendu au Bon Marché, lieu énoncé de l’achat, visiter un petit corner du sous-sol ou j’ai été reçu par une jeune femme vraiment concernée par ce qu’elle représentait. Là, tout a commencé, quand après quelques mots échangés, l’on m’a proposé de parler par téléphone, comme une évidence, au créateur. L’objet commençait à prendre une dimension d’humanité et de ce quelque chose de si rare quand cela touche à l’émotion.
Comment ne pas l’être, quand un homme dont j’entendais le grand sourire, l’engagement, l’élan, le bouillonnement, l’attachement, pour ne pas dire la tendresse qu’il avait pour son Art, me parla en me disant que dès demain, l’ensemble de ce dont il disposait, serait à ma disposition au lieu de cet appel ; et que si j’avais un petit peu de temps, une rencontre serait encore plus belle dans son ravissant atelier boutique de la rue de Charlemagne.
Cela fait longtemps que je n’avais pas autant compté les heures pour une rencontre. Me rendre dans ce coin du Marais, me permis aussi de découvrir un pâtissier japonais et un Glacier Libanais dont je ne manquerai pas de vous parler j’espère bientôt…Et puis cela me donna l’occasion de me souvenir des premiers mots de Samuel Gassman : « lorsque l’on ne connait pas la technique d’un métier…Il suffit de rencontrer le créateur pour savoir »
Je tombais sur un homme au sourire perpétuel, avec une incessante volonté de partager et de faire découvrir son univers si personnel. Il me dit être arrivé là par « inadvertance ». Il était journaliste en Art contemporain et après que son directeur ait été remercié, il s’est retrouvé avec une nouvelle équipe et on lui a demandé de faire un reportage sur le plus petit élément du vestiaire masculin : Le bouton de chemise.
Boulimique de recherche, il découvrit les codes vestimentaire d’avant la révolution bourgeoise qui explicitait, voire codifiait, imposait le comment s’habiller en tout premier lieu, à travers le désir du roi. Si l’on était en lien avec la cour, on avait le droit à certaines couleurs ou broderies et si l’on était bourgeois, le Bleu…Et cet ensemble composaient les fameuses « Lois Somptuaires ». Elles perdurèrent jusqu’au moment de la création des grands-magasin ou quantités de codes et de nouvelles contraintes émergèrent ; mais le bouton d’homme resta un disque de 11mm de diamètre, en nacre franche, pour le jour, avec un bourrelet.
Car à cette époque bénie des dandys, il y avait cinq moments vestimentaires associés aux tenues, pour le jour, pour le soir, pour le sport, pour l’apparat et le vêtement négligé pour le matin chez soi. A ces cinq catégories, étaient associés des matières, des coupes et des formes…Le bouton de chemise respectait ces cinq catégories. Pendant la finalisation de ce documentaire Samuel a essayé de voir si des boutons répondaient à ces codes… Et c’était le cas.
Pour essayer d’approfondir le sujet, il a fait produire dans le musée de la nacre à Méru (Une belle idée de visite à faire au nord de Pontoise), des objets pour essayer d’expliciter son propos. Cela a donné lieu à 250 objets qui tout en les filmant, essayaient quantités de choses, exploraient moultes pistes. Cela en dit long, déjà, sur le côté perfectionniste de l’homme.
Il est parti ensuite avec ces objets. Comme ils étaient magnifiques ; et en les regardant souvent, un ami lui a dit : “Cela ressemble à un bouton de manchette” et “qu’il aimerait bien en avoir d’aussi beau”…Et cela a commencé sur ce mot, sur ce désir, par une première réalisation en partant de ce bouton de nacre…Qui demeurere la patte stylistique de la maison.
Mais l’histoire est encore plus merveilleuse. Quelques semaines plus tard, ces premiers boutons de manchette étaient tellement beaux que des représentant des plus célèbres magasins dits de luxe au monde, comme Bergdorf Goodman, ou Neiman Marcus lui ont demandé d’imaginer une collection en lui disant : « Si un jour vous voulez devenir désigner contactez-nous » !
La vie fait quelques fois des cadeaux où on ne les attend pas, car s’étant retrouvé à cet instant sans travail, il s’est dit que c’était peut-être le moment de dire « Oui ». Ses trois premières questions furent : « Qu’est-ce que c’est la mode ? » ; « Qu’est-ce qu’un bouton de manchette ? » ; « Comment pourrait être une collection de boutons de manchette ? » et surtout « En quoi, cette création serait lui ? » et « en quoi elle pourrait raconter quelque chose ?». Il s’est enfermé et a étudié l’histoire de la mode et du vestiaire masculin et a découvert combien le bouton de manchette est passionnant et surtout, que plus personne ne s’en occupait !
Pour lui, le bonheur immense était d’imaginer et de réaliser des objets, qui souvent étaient faits avec des matériaux divers et de redonner à ce tout petit accessoire ses lettres de noblesse. Tout avait commencé avec de la Nacre qui rappelait le bouton de chemise. Elle se devait d’être là mais pas qu’elle. Le Style de la maison étant de faire en sorte qu’ils soient, au final, le plus discrets possible car c’est son point de vue sur l’élégance masculine.
Toujours essayer de développer des créations qui vont être les plus secrètes dans les matériaux les plus beaux, mais juste pour soi… Une belle définition du grand Luxe ! Chaque fois, se demander comment produire un objet qui ait du sens, le plus exceptionnel possible mais que l’on puisse porter avec évidence tous les jours, sans se poser de questions, qui ne se fait remarquer que de quelques-uns, dans l’idée de ces vieux Italiens que l’on aime tant, pour leurs vêtements pensés même en pleine chaleur et qui leur confèrent une élégance inégalée.
Samuel est un passionné, il ne dort pas beaucoup, pensant tout le temps à ce qu’il va créer. Il me dit que « c’est Incroyable de penser à un objet la nuit et de le réaliser dans la journée ». Dans cette démarche ou l’excellence est dans chaque détail, tous ses fournisseurs sont en Ile de France, un critère essentiel pour lui. Pendant 10 ans il n’a eu que de grands clients, dans un atelier caché. Aujourd’hui dans son adorable boutique Rue Charlemagne, il a souhaité être en contact avec les passionnés. C’est la crise sanitaire qui lui a permis d’avoir du temps et d’avoir sa propre boutique… Maintenant pour la première fois depuis 2 ans, il voit des personnes qui viennent le voir pour acheter des boutons de manchette et pour les porter…Combien il aime cela, dans ce plus de personnalisation, ce plus de sur-mesure…
Ce qui tient le plus au cœur à cet homme cultivé qui a passé sa vie dans toutes les formes d’Art, ce n’est pas de créer un objet désirable, compulsif, ou à la mode, cela ne suffit pas ; ce n’est pas de créer un objet manuel, non-industriel, cela ne suffit pas ; c’est de créer un objet au goût français, d’un luxe idéal et d’une très grande qualité. C’est cela qui doit faire le lien et qui motive toutes ses collections d’objets raffinés, exceptionnels et discrets.
J’ai aimé cette rencontre, ce grain de folie, cet amour de la culture en fil rouge, cette créativité toujours de bon ton qui ose tout, cet engagement pour des pièces uniques aux matériaux si vivants et je finirai par un de ses partages qui résume au mieux la vision et l’amour de son métier quand il me dit qu’ «Il Travaille au son du Champagne» car quand les gens ouvrent une bouteille, ils portent des boutons de manchette…Alors buvons souvent des bulles pour le plaisir de porter les boutons de manchette de Samuel Gassmann.
Xavier
Samuel Gassmannn
1 rue Charlemagne
75004 Paris
Téléphone : 01 77 32 63 27