Chaque année, à l’occasion de la fête de Pâques, le star russe Nicolas II offrait à sa femme, Alexandra, un précieux œuf du joaillier Fabergé.
Par Blanche Rivière
Le dernier tsar de toutes les Russies, Nicolas II (1868-1918), aspirait à tout sauf à gouverner un pays si vaste que le sien. L’histoire ne lui en laissa pas le choix puisqu’à la mort de son père, le géant Alexandre III (1845-1894), il fut bien obligé de prendre sur ses frêles épaules le poids de l’empire. Lui qui rêvait d’une vie de famille, simple bien que bourgeoise, put néanmoins épouser, contre l’avis de ses parents, celle qu’il aimait : Alix de Hesse-Darmstadt (1872-1918), petite fille de la reine Victoria d’Angleterre, devenue après sa conversion à l’orthodoxie Alexandra Romanov.
Eperdument amoureux de celle qu’il appelait Alicky, Nicolas II avait à cœur de perpétuer la tradition instaurée par son père : ainsi, chaque année, à l’occasion de la sainte fête de Pâques célébrant la résurrection du Christ, il offrait à Alexandra un authentique joyau : un œuf unique réalisé par le joaillier familial Fabergé, serti de pierres précieuses et recelant en son cœur un trésor précieux évoquant un souvenir de leur vie familiale. C’est précisément ce trésor de l’Histoire, davantage encore que leur valeur, qui a rendu aussi célèbres les œufs Fabergé.
Si le dernier tsar offrait un œuf à la tsarine, ce n’est évidemment pas un hasard. La commémoration de la résurrection du Christ, considéré comme l’événement le plus important de l’année liturgique chrétienne, est célébrée après quarante jours de carême : dans les pays d’Europe de l’Est, les chrétiens orthodoxes étaient particulièrement attachés à la tradition de ne pas consommer d’œuf de poule pendant ce temps. Les œufs non consommés pendant cette période étaient donc gardés et recyclés en objet de décoration – évidés puis peints – pour être offerts. C’est donc de cette tradition que sont nés les œufs de Fabergé.
Le joaillier Pierre-Karl Fabergé, lointain descendant de huguenots français d’abord exilés en Allemagne, puis en Russie après la révocation de l’édit de Nantes, a marqué irrémédiablement l’art de la joaillerie. Travaillant pour les têtes couronnées du monde entier, il sombra dans la ruine lors de la révolution bolchevique de 1917. Né en 1846 à Saint-Pétersbourg, alors capitale de l’éternelle Russie, il apprend son art auprès des grands maîtres allemands et français. De retour en Russie en 1872, il prend la direction de la maison éponyme. Rapidement, il se fait remarquer par le tsar, le géant Alexandre III, qui le nomme joaillier officiel de la cour impériale. Parmi toutes les splendides œuvres qu’il réalisera au cours de sa brillante carrière, les plus extraordinaires sont les 43 oeufs de Pâques. Réalisés avec les plus beaux et les plus rares matériaux, ces œufs surprises sont des commandes directes des tsars, qui en faisaient un présent de Pâques à leurs épouses.
L’œuf au carrosse, réalisé en 1897, un an après le couronnement de Nicolas II, cache à l’intérieur un petit carrosse en or, en mémoire de son couronnement. Cette petite merveille, mariant diamants, or, émail cloisonné et cristal, est l’un des plus célèbres. L’œuf du Tsarévitch, offert en 1912 par Nicolas II à sa femme, est également l’un des plus somptueux : il a été offert en mémoire d’un fils tant attendu, l’héritier Alexis Nicolaievna Romanov (1904-1918), petit dernier d’une fratrie de cinq enfants.
Dispersés lors de la révolution russe de 1917 et de la chute du tsarisme, sept œufs demeurent introuvables. Deux œufs étaient en préparations, et n’auront donc jamais été livrés.