Perché à 125 mètres au-dessus du Champs de Mars, au deuxième étage de la Tour Eiffel, le Jules Verne, récemment repris par Frédéric Anton, s’impose comme l’une des adresses gastronomiques incontournables de la capitale.
Au fur et à mesure de la montée, à travers cet ascenseur panoramique greffé au cœur du pilier sud de la Tour Eiffel, l’expérience va crescendo et la prise de conscience s’opère : rare sont les restaurants à bénéficier d’un cadre aussi exceptionnel que le Jules Verne ! En quelques instants, nous voici au deuxième étage de la dame de fer, où l’établissement demeure perché, à 125 mètres au-dessus du Champs de Mars.
C’est là que Frédéric Anton, Meilleur ouvrier de France et trois étoiles au Pré Catelan, a posé ses valises après dix ans de règne d’Alain Ducasse. Depuis quelques mois, c’est un écrin flambant neuf qui accueille les convives pour une expérience unique. Le chef a fait appel à l’architecte Aline Asmar d’Amman, qui s’est attachée, en six mois, à inventer un lieu tissant des liens entre l’esthétique du début du XXe siècle et la modernité intemporelle du chic français : l’élégance et la douceur des couleurs taupes y côtoient les matières brutes et les formes graphiques, qui ne sont pas sans attaches avec la légendaire dame de fer.
Réparti en deux salons, le Jules Verne bénéficie bien évidemment d’une luminosité rare, et, à travers les grandes baies vitrées, offre une vue unique sur Paris et ses alentours. Du Sacré-Cœur de Montmartre à la tour Montparnasse, en passant par le Louvre, la cathédrale russe et les Invalides : rien n’échappe au panorama.
En cuisine, Frédéric Anton, présent quotidiennement derrière les fourneaux, s’appuie sur le jeune Kevin Garcia, déjà présent à ses côtés au Pré Catelan, pour exécuter une belle carte, largement contemporaine, avec une grande précision. Cette cuisine créative, comme c’est le cas au Pré Catelan, est étroitement liée à sa recherche graphique qui, ici, entend évoquer l’architecture de la Tour Eiffel : les rouages, les écrous, le ciselage… L’approche est ambitieuse mais le résultat cohérent. Pas étonnant qu’une étoile Michelin soit arrivée en 2020, peu de temps après l’ouverture.
Le menu dégustation, en cinq ou sept temps, offre un panorama assez exhaustif du magnifique travail de la brigade. Le foie gras en petit flan moelleux à la sauce Nantua est superbe ; la Saint-Jacques retravaillée, citron vert et caviar, est brillante ; la langoustine en ravioli, à la crème de céleri et à la truffe noire – l’une des signatures du chef au Jules Verne – est incroyable ; le chevreuil rôti avec son gratin de macaroni est lui aussi à la hauteur. Le cabillaud, hélas, entache cette succession de haute volée : la cuisson est juste et la pièce bien faite, mais la poutargue et le jus aux épices semblent mal convenir à ce poisson.
D’une manière générale, nous ne sommes pas particulièrement adeptes des accords mets et vins proposés dans les restaurants gastronomiques, mais force est de constater qu’ici, Benjamin Roffet, Meilleur ouvrier de France lui aussi, fait un très beau travail en dépit des contraintes que le lieu impose : 800 bouteilles peuvent être stockées au restaurant, les autres (environ 10 000) reposant quelque part sous le Champs de Mars ce qui signifie que la commande d’un cru d’exception nécessite un aller-retour de l’ordre d’une demie-heure. C’est aussi ça, une parenthèse hors du temps…