Véritables aiguillons des grandes manufactures traditionnelles, les horlogers indépendants font bouger les lignes de la créativité horlogère, bousculant les habitudes, cassant les codes pour le plus grand plaisir des collectionneurs en mal de sensations fortes.
Par Olivier Muller
Délicieusement subversive, subtilement pernicieuse, l’horlogerie indépendante ne se refuse rien. Son boitier dédaigne le rond suranné, son mouvement se pare de complications que l’on aurait osé imaginer…
De prime abord, rien ne rapproche Christophe Claret d’Artya, Phenomen de Fiona Kruger, Hysek de MB&F. Pourtant, tous sont entièrement indépendants – et veulent le rester. Ces maisons horlogères ont acquis une notoriété inespérée au fil des années et le soutien de collectionneurs qui valident leurs créations – bien que parfois déroutantes !
C’est le cas chez MB&F. Collectif horloger genevois emmené par Max Busser, la marque s’est mise à produire, il y a quelques années, des pendules de table. Autant dire que l’objet était passé, depuis un bon siècle, au rang des oubliettes… MB&F l’a ressuscité en collaboration avec la maison L’Epée. Machines volantes, araignées, robots : la pendule de table est redevenue décalée, ludique, « trendy ». La dernière en date, Grant, se présente sous la forme d’un rover lunaire et modulaire qui fera son effet sur un bureau design.
L’indépendante Fiona Kruger a réussi la montre Skull dont tout le monde rêvait. Jusque là, la totalité des marques se pressait à faire des montres rondes dotées d’un cadran représentant un crâne, plus ou moins réussi. Fiona Kruger a littéralement dessiné une montre dont le boitier lui-même est un crâne. La Skull de Fiona Kruger est masculine ou féminine, noire ou en couleur, joyeuse et atypique. Une réussite totale d’un designer indépendant qui a su apporter créativité et féminité au modèle.
Au rayon décoration et complication, le genevois ArtyA ose tout… du moment qu’il s’agit de pièces uniques. Sa dernière Lion’s Head est une répétition minute de haute voltige, régulée par un tourbillon. Le plus impressionnant reste pourtant son cadran, gravé directement dans le titane – un tour de force considérant la dureté du matériau – puis rehaussé d’or. D’inspiration renaissance mais profondément décalée, la pièce arbore fièrement son numéro de série : 01/01.
A ce registre des grandes complications, Hysek a probablement remporté la palme d’or. La pièce porte bien son nom : Colossal. Elle utilise un mode d’affichage exclusif, le rouleau. Cet affichage est rare en horlogerie car particulièrement énergivore. Il est très difficile pour un mouvement de disposer de la puissance suffisante pour en mouvoir plus de deux ou trois. Voilà pourquoi l’affichage par rouleau est, le plus souvent, réservé à la seule date. Hysek est pourtant parvenue à étendre ce principe à un calendrier perpétuel, complété d’une phase de Lune et d’un second fuseau horaire. Un tour de force d’une complexité hors norme pour une montre qui dépasse allègrement les 1 000 composants.
Christophe Claret est un horloger différent des précédents : avant de se lancer sous son propre nom il y a quelques années, l’homme a cumulé deux décennies d’innovations au service des plus grandes marques. Technicien de l’ombre, maitre des grandes sonneries, l’homme a développé pour son propre compte une pièce extrême, la bien nommée X-TREM-1. Son principe est simple : associer, dans un même mouvement, l’horlogerie classique et son ennemi juré, le magnétisme. Jusque là considéré comme le perturbateur majeur de la précision d’une montre, le magnétisme a ici été dompté dans une montre où il permet la gravitation de deux sphères d’acier latérales, la première indiquant les heures, la seconde les minutes. Dévoilée en 2012, l’X-TREM-1 n’a pas d’équivalent en horlogerie et n’en aura probablement jamais. Sa version la plus récente offre un magnifique boitier en acier de Damas.
La France occupe progressivement ce créneau de la haute horlogerie indépendante, créative et audacieuse. Dernier né : Phenomen. La marque est installée à Besançon et associe un développeur mouvement issu de La Joux-Perret, un horloger venant de chez Greubel Forsey et un designer en provenance du studio de création de groupe PSA. Ensemble, ils ont créé l’Axiom, une première pièce avec mouvement 100 % maison doté d’un boitier au somptueux design automobile. Son échappement placé à midi et son affichage linéaire et rétrograde de l’heure en font un objet de belle mécanique, épaulée par un design à la fois sensuel, subtil et masculin.