De génération en génération, la famille Cotat magnifie le sauvignon sur les plus beaux coteaux de Sancerre. Cette appellation, associée à un cépage souvent méconnu au regard de ses équilibres uniques, a été trop ignorée par d’apparents puristes de l’étiquette ne jurant sur les blancs, par absence de curiosité, que par le chardonnay et les grandes appellations bourguignonnes.
Par Xavier Aubercy
Combien les puristes de l’étiquette se trompent quand ils ne voient pas plus loin que la Bourgogne ! Le sauvignon, quand il est respecté et aimé comme ici, chez Francois Cotat, est un grand vin offrant à l’oenophile gourmand minéralité, acidité, et notes citronnées ; des accord inégalés, sur certains mets comme les asperges – difficilement associables – ainsi que sur des cuisses de grenouilles, sur des fruits de mer ou un poisson de rivière tout juste sorti de l’eau accompagné d’un beurre blanc… Il est également incontournable sur tous les chèvres de sa région, et même d’un peu plus loin.
Dans ce domaine, on perpétue la tradition dans une continuité absolue, qui s’est toujours appuyée, par respect, sur la même façon de travailler : Les vendanges sont entières, le pressurage ultra précis associé à très peu de foulage Il s’opère juste un léger batonnage en fin de fermentation – courtes pour ne pas fatiguer le vin. La taille est très sévère afin de limiter les rendements, atteignant 35 ou 40 hl/ha, selon les millésimes. Les vendanges, à pleine maturité, sont évidemment manuelles avec un tri sérieux à la vigne pour y concentrer toutes les saveurs. Concernant celles-ci, il convient de souligner qu’ici, elles se font souvent assez tardivement, ce qui explique la présence, sur certaines cuvées, d’un léger sucre résiduel concourant à un équilibre magistral.
Pas de levurage, de bois neuf ni de filtration… C’est le raisin seul qui est révélé, et cette envie tout simplement de « laisser faire la nature ». Les fermentations sont courtes pour conserver toute l’énergie des vins, à l’instar de la mise en bouteille effectuée juste avant l’été. Pas de grandes cuves réfrigérées ; les portes, au besoin, sont simplement ouvertes, à l’ancienne. Il m’a été dit, en résumé de toutes ces coutumes de travail : « Pourquoi changer quand les choses sont bonnes ! » Quand je demande à Madame Cotat ce qui la rend heureuse, elle me répond : « J’aime me lever, voir les vignes, cela me suffit ! Je n’en demande pas plus. Nous faisons notre travail, nous sommes heureux, nous avons des clients sympathiques dans le monde entier… » Cette Authenticité a été pour moi d’une pure beauté, et elle résume, à elle seule, cette maison unique.
Abordons enfin les terroirs magistraux du domaine, et cette approche parcellaire à travers les deux cuvées emblématiques : Les « Mont Damnés » issues de vignes de plus de 35 ans, avec quelques notes finement salines voire fumées, révélant surtout une minéralité appuyée ; ou, le « Cul de Beaujeu », peut-être la parcelle la plus exceptionnelle de Chavignol. La déclivité impressionne, et les conditions d’exploitation y sont plus compliquées avec ses pentes à 45%. Les fruits blancs et le pamplemousse, associés à une acidité d’une grande précision, font la personnalité de ces bouteilles plus que rares. Un mot encore pour évoquer « Les Caillotes », parcelles de vignes plus jeunes – depuis 2005 – et également la plus que confidentielle production de vin rouge et rosé, que seuls un tout petit nombre auront la chance de déguster.
Les sols argilo-calcaire et les terroirs Kimmeridgiens – comme à Chablis – donnent, lors de l’évolution, des saveurs complexes de « pierre à fusils » si délicieuses… Elles s’associent à la typicité des grands Sancerre : nez fin d’agrumes, d’infusion, de fleurs blanches, de miel d’acacia, de poire, de groseille, qui se combinent avec une bouche charnue et une finale citronnée… Cette vivacité, et le grand savoir faire du domaine, font que ces bouteilles traversent les décennies sans problème et qu’ils contribuent à la légende des grands vins de Sancerre par leur potentiel de garde impressionnant : goûter des vins de 15, 20 voire 25 ou 30 ans est autant un exploit pour l’appellation qu’une expérience gustative merveilleuse. D’ailleurs, toute la difficulté est de trouver ces vins car l’ensemble des terres ne fait de 5 hectares… Les cuvées ont, de plus, leurs afficionados et sont réservées d’une année sur l’autre. Mais que cela ne vous empêche pas une virée à Chavignol, village ravissant, pour venir passer une journée ou un week-end ; Revenir avec quelques fromages éponymes ou déguster une friture sur les bords de Loire, et surtout s’émerveiller de ces extraordinaires coteaux.
Rassurez-vous, les grands cavistes et quelques sites internet choisis vous permettront de trouver ces flacons à la capsule de cire qui ont toujours été purs, droits, sans artifices, sincères, authentiques et où toute l’humanité de cette famille se ressent dans chaque verre. Une dynastie, qui illustre combien un vin est toujours grand quand il est l’expression d’un terroir, d’une identité et d’un style respectueux. Cet homme et sa famille, tout en discrétion et qui ne vivent que pour perpétuer une certaine idée du vignoble de Sancerre, rajoutent dans chaque bouteille cette sincérité et cette dimension humaine qui font les grandes émotions loin des modes du moment… Lui me dit que sa plus belle récompense est quand l’un de ses clients l’appelle pour lui dire : « hier, avec mon épouse ou mes amis, nous avons ouvert une de vos bouteilles et c’était bon. » Il espère qu’un de ses deux garçons, ou les deux, fassent perdurer cette envie de faire plaisir. C’est, pour moi, l’un de mes vins préférés.