En se repositionnant largement dans l’univers de la mixologie il y a quelques années, l’iconique liquoriste français retournait vers ses origines en s’appuyant sur un savoir-faire historique mêlant la grande tradition et l’audace.
Par Blanche Rivière
Rendre à César ce qui lui appartient. Non, Grand Marnier n’est pas réservée qu’aux crêpes, bien au contraire. Dans la foulée de son rachat par le groupe italien Campari, en 2016, Grand Marnier, le spécialiste de la liqueur à base de cognac et d’oranges amères, a entrepris un repositionnement articulé autour d’une nouvelle identité et d’une offensive plus marquée dans l’univers de la mixologie, son positionnement d’origine. Bien lui en a pris, puisque la maison affiche, depuis, une progression encourageante sur un marché pourtant en déclin.
Pour y parvenir, l’iconique liquoriste français, fondé en 1880, a recentré sa gamme autour de quatre fondamentaux. Le Cordon Rouge, son fer de lance imaginé dès l’origine, est élaboré avec 51 % de cognac. Avec ses notes d’orange, de zeste confit et de vanille, il est surtout dédié à la mixologie. La cuvée Louis Alexandre, créée à la fin des années 1970, contient 82 % de cognac. Avec son nez d’orange confite et ses saveurs d’agrumes et de bergamote, il est conçu pour la dégustation. La Cuvée du Centenaire, qui commémore le centième anniversaire de la maison, est un mélange exceptionnel de cognacs XO raffinés et d’essences d’oranges amères exotiques. Dégusté pur ou sur glace, ce spiritueux conjugue de façon subtile les parfums d’oranges confites et d’épices, et offre une grande complexité digne des vieux cognacs (tabac, balsamique…). Enfin, Quintessence, créée en 2011, est la cuvée d’exception de la maison : elle repose sur l’assemblage de très vieux cognacs de Grande Champagne et de l’essence d’oranges Citrus Bigaradia issue d’une double distillation, qui lui confère une richesse aromatique exceptionnelle. Fraiche et onctueuse, cette cuvée révèle des notes de fruits secs et une longue finale. Sa carafe, en courbes et en transparence, se veut un hymne à la perfection de la liqueur.
A travers cette gamme, Grand Marnier revendique fièrement ce qui a toujours fait sa renommée : un mélange d’audace et de tradition. En 1880, en effet, lorsque Louis-Alexandre Marnier-Lapostolle décide d’unir du cognac avec un distillat d’une variété rare d’oranges amères, ce visionnaire s’appuie déjà sur la grande tradition française en matière de spiritueux, avec le cognac, et sur l’extravagance de l’union avec l’orange amère. Alors que la capitale vit une période d’effervescence avec la construction de la Tour Eiffel, l’ouverture de la première ligne de métro, l’arrivée des grands magasins et le succès florissant du jeune Opéra de Paris, ce mélange inédit s’impose comme un must-have des soirées parisiennes. Alors vendu dans une bouteille standard sous le nom de Curaçao Marnier, il séduit le non moins audacieux César Ritz, fondateur du palace de la place Vendôme, qui le rebaptise lui-même Grand Marnier. A cette occasion, la bouteille est habillée d’un ruban rouge frappé d’un cachet de cire, sorte de sceau d’authenticité et de qualité, qu’elle n’a plus quitté depuis.
La recette d’origine du Grand Marnier demeure inchangée. Pour élaborer ses cuvées, l’entreprise charentaise s’appuie sur les cognacs issus des terroirs de Grande et de Petite Champagne, de Broderies, de Fin Bois et de Bons Bois, issus du seul cépage de raisins ugni blanc. Aujourd’hui encore, l’entreprise est l’un des principaux acheteurs de cognacs auprès de plus de 450 viticulteurs. L’essence d’oranges amères, l’autre grand ingrédient, provient des fruits récoltés au sommet de leur potentiel aromatique : ces oranges exotiques, vertes, sont alors pelées et leurs écorces séchées au soleil de manière à concentrer la saveur de leurs huiles essentielles. Elles sont alors expédiées au château de Bourg-Charente, acquis par la maison au début du XXe siècle, où elles sont distillées. C’est là que Patrick Raguenaud, maître-assembleur, perpétue fidèlement à la tradition le savoir-faire historique de Grand Marnier en veillant au mariage du cognac et de l’essence d’oranges et au vieillissement d’au moins six mois dans les fûts de chênes de la maison.