La grand-messe de l’horlogerie s’est tenue au début du printemps à Baselworld. Pour 2019, les grands horlogers misent sur de belles montres accesibles, vintages et colorées. Tour d’horizon.
Par Olivier Müller
26 mars : Baselworld, le salon mondial de l’horlogerie, tire sa révérence pour 2019. Tantôt adulé (pour son exhaustivité), tantôt détesté (pour son autoritarisme), il n’en reste pas moins le centre névralgique d’une industrie tiraillée entre tradition et modernité, entre vintage et innovation. Aux récents tarifs empreints d’envolées plus oniriques que lyriques, le marché a brutalement rappelé que le prix « normal » d’une montre pour une personne également « normale » n’avait pas six chiffres, ni même souvent cinq. Au final, la raison semble (presque) revenue : de belles montres, de l’émotion, des tarifs revenus à des niveaux humains. Les horlogers n’ont jamais été aussi bons que sous la contrainte !
La preuve vient d’abord de Maurice Lacroix. La marque, peu connue en France, s’est longtemps cherchée avant de trouver un modèle fort, un style, un positionnement. Son Aikon Venturer est un modèle qui vise juste, doté d’un style moderne et vif, à destination d’un collectionneur actif et urbain. Avec son bracelet interchangeable, elle n’a rien à envier à des concurrentes proposées au triple du prix. Il en ira de même pour Seiko. La marque rappelle une fois encore qu’elle est une véritable manufacture, 100 % intégrée, avec des standards techniques et de finition qui égalent – voire dépassent – ceux de Suisse. La nouvelle Presage Arita est un modèle dont le cadran est en porcelaine, un art japonais millénaire. De loin, ce qui passerait pour un simple cadran blanc laqué révèle, de près, toute la beauté de son grain, de ses reflets imparfaits, la délicate peinture de ses index. Un authentique plaisir d’esthète, fait main, et abordable.
La tendance du « full black » semble avoir disparu. Deux exceptions notables : Breitling et Chanel. La première réédite une copie conforme de l’un des modèles de sa Navitimer, la célèbre Réf. 806 de 1959. Pourquoi ce modèle précis ? Déjà, pour la date anniversaire – 60 ans tout rond. Ensuite, pour sa particularité : cette « Navi » de 1959 est un des tout premiers exemplaires 100 % noir à une époque où, pour des questions de lisibilité, les compteurs étaient blancs sur cadran noir, ou l’inverse – le fameux design dit « panda » qui fit les belles heures de la Rolex Daytona. Dans sa sombre livrée, la Navitimer prouve une fois encore qu’elle est hors du temps, aussi belle en 1959 qu’en 2019.
De son côté, Chanel a dévoilé une version limitée à 55 exemplaires de sa Monsieur, sa première montre masculine 100 % manufacture. Créée en 2016, cette jeune pousse de la rue Cambon affirme à présent son identité ténébreuse. Un modèle puissant, racé, moderne, un coup d’éclat que bien des horlogers envient à une maison venue de la mode. Le côté obscur de l’horlogerie n’a jamais eu autant d’élégance.
Heureusement qu’ils sont aussi là ! Les horlogers indépendants sont les aiguillons de l’horlogerie. Créatifs, disruptifs, irrévérencieux. Max Büsser, à la tête du collectif MB&F, en est l’exemple : l’homme a créé sa première montre pour femme, un OVNI sous verre saphir, équipé d’un tourbillon arrimé à un mouvement vertical. Totalement improbable, la pièce s’impose d’elle-même, excentrique mais délicate.
Chez ArtyA, on aime les complications et l’originalité. Yvan Arpa, depuis 10 ans, explore des voies volontiers décriées avant que, quelques années plus tard, tout le monde ne les adopte ! Il en va ainsi de ses boîtes gravées à la main, véritables chefs d’œuvre miniatures. La somptueuse Répétition Minute de la marque arrange baroque et rock, classique et moderne. Elle donne l’heure et même la sonne mais, à ce niveau de finition, c’est presque devenu secondaire : la boîte ciselée main se suffit à elle-même.
Enfin, Strom dévoilait non loin de là sa collection Nethuns II « Colorum ». On l’imagine inspirée d’une montre de plongée, voire d’un scaphandre. Pourtant, ses couleurs éclatantes trahissent son orientation décalée, à la mesure d’une boitier gravé main que n’aurait pas renié Jules Verne. On ne sait pas très bien si c’est pour homme ou pour femme, si c’est une montre de plongée ou non, ni dans quelles circonstances on doit la porter mais, au final, peu importe : on adore la détester – ou l’inverse, selon affinités !