A Eygalières, le domaine d’Eole élabore des grands vins de Provence. Ballade aux pieds des Alpilles pour découvrir ses cuvées estivales.
Par Xavier Aubercy
Il paraît qu’ici, avant le Moyen-Âge, ce sont les céréales qui étaient cultivées. Aujourd’hui, cette terre est une terre de vin. Et quelle terre ! Ici, en plein cœur de la Provence, aux pieds des Alpilles, là où grenache et syrah s’épanouissent si bien entre les oliviers et les cyprès, là où le mistral souffle la moitié de l’année… Le beau village d’Eygalières n’est qu’à quelques pas et ici, le climat méditerranéen offre aux vignes des hivers doux et des étés chauds. Et dans sa grande générosité, il donne même à ce terroir des précipitations plus abondantes que sur le littoral. Les raisins s’en régalent. Matthias Wimmer aussi.
Cet œnologue passionné, à la tête du domaine d’Eole depuis le milieu des années 90 et désormais secondé par Ludovic Vançon, y trouve les ingrédients indispensables à l’élaboration de grands vins de Provence, rouges, blancs ou rosés, peut-être confidentiels mais si beaux et appréciés à travers le monde. Amoureux de la vigne, il a bien compris que si le climat offrait à son terroir de si belles prédispositions, il lui revenait d’en prendre soin : faire confiance à l’équilibre écologique de la nature, respecter les sols… Le vin vient d’abord de la terre, et la terre, on la soigne. On l’observe. Ici, le travail minutieux de la main de l’homme remplace fongicides et désherbants. La terre, on l’observe et la vigne, on la bichonne.
Le soleil tape et il faut bien un chapeau de paille pour traverser les vignes. Le vent chaud amène de subtiles odeurs salines, de roc et de thym. C’est l’été. Au loin, les cigales cachées évoquent les vieux films de Pagnol. On a beau faire, la Provence est une carte postale. Cependant, elle n’est pas dénuée de surprises. Au caveau du domaine, où le passant peut déguster les différentes cuvées, la fraicheur est la bienvenue. La première surprise est très féminine. Etiquette épurée, lignes fines, et son nom : Léa. Douceur et gourmandise en perspective. Dans le verre, ce millésime 2015 à la robe foncée laisse s’exhaler les senteurs sauvages du terroir mêlées aux baies noires. Vraiment, c’est l’été. Une fraîcheur de sous-bois, déjà, invite à la dégustation. Et cet assemblage de grenache (85 %) et syrah tient sa promesse : très élégant, frais, gourmand avec une dominante de fruits, le tout dans une bouche ample et soyeuse. Les tanins sont équilibrés et les fruits sauvages, cette fois, dominent les épices. Léa persiste à travers une belle finale. Un grand vin.
Grenache et syrah se plaisent sur les plaines d’Eygalières, mais counoise et cinsault aussi. Le Souffle d’Eole 2019 en est la preuve. Jeune, ce rosé sans sulfites, vision pure et naturelle du rosé, montre sur sa robe claire quelques reflets orangés. Il dévoile d’abord un nez gourmand de fraises des bois, de pêche et de fleurs. Et montre finalement une vivacité non dénuée de douceur qui se prolonge sur une finale équilibrée. Avec un peu d’imagination, on verrait sous nos yeux une plancha et un poulpe épicé qui, à l’évidence, seraient taillées pour lui davantage que les glaçons en rebord de piscine. Puisque c’est l’été, profitons-en !
Il faut monter un peu plus haut sur les massifs pour trouver les vignes de roussanne du domaine d’Eole. Celles-ci sont travaillées avec une taille sévère et un ébourgeonnage printanier pour garantir un rendement qui n’excède pas les 30 hectolitres par hectare. La cuvée Confidence, exclusivement élaborée à partir de ce cépage, est une pure roussanne exprimant tout à fait ses arômes complexes d’agrumes et de fleurs jaunes. Délicat et vif, légèrement boisé, ce grand vin blanc séduit également par sa finale de coing et d’amande. Il donne, dans son registre, un autre aperçu du beau travail réalisé par le domaine d’Eole.