Alors que le décontracté commande une tenue minimaliste ou adaptée à l’image que l’on se fait de ses interlocuteurs, il convient de nous faire les avocats de deux accessoires indispensables de l’élégance d’une tenue simple : la cravate et la pochette.
Par Benoit Aguelon
« Une cravate bien mise, c’est un de ces traits de génie qui se sentent, s’admirent, mais ne s’analysent ni ne s’enseignent. La cravate est romantique dans son essence ; du jour où elle subira des règles générales, des principes fixes, elle aura cessé d’exister. » Il semble lointain le temps où Honoré de Balzac prît sa plume pour lui consacrer un essai, concluant en 1830, dans son Traité de la cravate, que ce bout d’étoffe précieuse ne pouvait vivre « que d’originalité et de naïveté. »
D’aucuns s’amuseront de l’inanité de cette révolte de l’élégance alors qu’au même moment, le nombre de multinationales qui fléchissent leur code vestimentaire, voire imposent un style décontracté, croît de façon exponentielle. Songez à Google, Apple, Facebook, Microsoft et leurs PDG en guise d’exemple. Plus étonnant, les 230 000 employés de la banque JPMorgan Chase & Co se sont vus notifier les premiers par leur hiérarchie que le costume-cravate ne constituait plus une obligation dans l’exercice de leur activité professionnelle. Convenons que la cravate ne doit pas être une obligation mais un plaisir pour quiconque présente une certaine sensibilité au beau. Ne la négligeons pas ; centrale et verticale, c’est elle qui entraîne le regard de nos interlocuteurs vers nos visages. D’apparence formelle, elle est par nature poétique et ne magnifie une tenue que si elle s’harmonise avec celle-ci, tant par sa matière que par sa couleur et son motif. Le plus souvent en soie, tissée, nattée ou imprimée, une cravate peut également être coupée en laine ou en cachemire. Nous réserverons le plus souvent ces dernières aux tenues et vestes décontractées de fin de semaine – en tweed ou en flanelle.
Il convient de maîtriser la longueur de sa cravate ; ni trop longue, ni trop courte, sa pointe doit chatouiller la ceinture. S’il existe cent façons de la nouer, il faut fuir la rigidité du nœud Windsor en évitant toutefois les nœuds trop fantaisistes. Le nœud doit remplir le col de chemise, son épaisseur dépend donc de l’évasement du celui-ci. Une subtile asymétrie est appréciée, comme la présence d’une fronce sous le nœud – deux pour les plus aguerris. La largeur standard d’une cravate est de 8,5 cm mais doit être équilibrée par rapport à la largeur des revers de la veste. A éviter cependant, les cravates qui seront plus ou moins larges de 1 cm par rapport au standard susmentionné. A contrario, les cravates trop fines ne s’accordent à aucun revers, qu’il soit étroit ou généreux. Si vous devez porter une cravate fine, allez jusqu’au bout en adoptant une cravate ficelle et le Stetson qui ornera votre chef ! Le choix de la couleur ou des motifs relève de la subjectivité et des goûts de chacun. Abstenez-vous des soies trop brillantes, des couleurs trop vives et des motifs trop gros au risque d’attirer le regard exclusivement sur votre cravate, au détriment de votre visage.
Quant à la pochette,bien avant de devenir un simple objet pratique, il fut d’abord et avant tout un accessoire précieux, de luxe et de convoitise, en matière noble essentiellement, orné de dentelles, de broderies, d’or ou d’argent. Nous ne parlerons ici que de la pochette, mouchoir décoratif que l’on glisse subtilement dans la poche poitrine de notre veston et non du mouchoir de coton blanc que nous conseillons toutefois à tout homme de disposer dans sa poche intérieure, afin d’éponger son front par forte chaleur ou de secourir une dame dans le besoin. Nous n’évoquerons pas plus ces chiffons synthétiques, parfois pré-pliés ou pire, pré-cousus à la poche poitrine des vestes de médiocre qualité, qui dénaturent le charme et l’intérêt inhérents au port de la pochette.
Proche du cœur, ce mouchoir d’apparat révèle beaucoup de celui qui l’arbore, et même de celui qui ne le revêt pas. Plus ou moins dissimulée à l’intérieur de votre poche poitrine, unie ou imprimée de motifs aventureux, pliée parfaitement, étudiée, symétrique ou en chiffon, le simple fait de porter la pochette prouve une certaine audace, en cette époque de tenues ternes. La pochette témoigne ainsi avant tout de la confiance de l’homme. Et pour cause, elle est sans doute la seule pièce de l’habillement masculin dont le port n’a pas été formalisé – à l’exception peut-être de la pochette de cérémonie, d’un blanc immaculé, en lin ou en coton. Ainsi libéré, sans filet ni règles, si la faute de goût est aisée et en freine plus d’un, elle ne devrait plus vous ralentir, pourvu que vous fassiez votre ces quelques conseils.
L’art de porter la pochette n’est autre qu’une quête harmonieuse entre différentes matières et couleurs. Qu’elles soient composées de soie, de coton, de lin ou de cachemire, privilégiez des pochettes dont les bords ont été roulottés à la main. S’il s’agit certes d’une coquetterie – de fin gourmet ! – cette technique, méticuleuse et devenue rare, garantit la qualité de l’étoffe, indispensable puisqu’elle sera torturée, froissée, pliée et dépliée au gré de vos humeurs. Préférez aussi les petits formats, de 30 à 35 cm de côté, afin d’épargner votre poche poitrine et d’éviter un volume trop important qui déformerait la ligne et le tombé de votre veston. Petite astuce de tailleurs : n’hésitez pas à fixer votre pochette à l’aide d’une épingle à nourrice à l’intérieur de votre poche. Ainsi maintenue, elle évitera de se dissimuler au cours de votre journée.
Benoit Aguelon (Blaise de Sébaste, artisans tailleurs)