A quelques mois de la sortie du prochain James Bond, Mourir peut attendre – le 2 avril 2021 -, vous êtes invité à un gala en smoking. Est-ce qu’un costume sombre, un nœud papillon et une chemise blanche suffiront ? Ce n’est pas aussi simple, attention à respecter les codes…
Par Raphaël Sagodira
Vous vous grattez la tête devant votre carton d’invitation. La faute à la curieuse mention Black Tie inscrite en bas. Attention : danger. Cette mention ne vous invite pas à vous rendre à votre gala affublé d’une cravate noire. Mais alors, que mettre ? La réponse est simple : un smoking.
C’est l’arme fatale d’un homme. Celle que James Bond – Daniel Craig -, une nouvelle fois, arborera au printemps 2021 dans Mourir peut attendre. Réservé au soir, le smoking est l’équivalent de la petite robe noire de cocktail pour les femmes. Vers 1880, Henry Poole, prestigieux tailleur de Savile Row aurait d’abord inventé cette tenue pour les dîners intimes d’Edward VII. En France, le smoking connaît son apogée au XX ème siècle, des années folles jusqu’à la fin de la Café Society. Tenue encore beaucoup portée dans le monde anglo-saxon, elle se fait rare en France car c’est une tenue très exigeante. Impossible de la bricoler à la dernière minute !
Regardons le smoking de plus près. Demandez à votre tailleur de respecter la règle. Après tout, le smoking demande une approche minimaliste car c’est un uniforme. La couleur la plus courante est le noir. Il sera coupé dans un tissu dit « grain de poudre » – en laine mate – ou en laine et mohair, pour les plus flamboyants d’entre vous. La veste sera coupée droite ou croisée. Les revers du smoking seront à larges pointes et recouverts d’une soie brillante, souvent noire. Les revers pourront aussi être ronds – on dit châle – mais seulement si vous y tenez absolument. Votre smoking aura un seul bouton recouvert de soie, que vous boutonnerez toujours. La veste aura deux poches passepoilées de soie. Si votre tailleur vous propose autre chose, comme des rabats de poche, des poches plaquées ou une poche ticket : il est temps de changer de crémier. Seule concession à la modernité : le smoking pourra avoir deux fentes à l’arrière.
Le pantalon, coupé près de la jambe, sans pinces, devra se finir par un ourlet simple. N’oubliez pas de faire également poser un galon de soie noire sur la couture extérieure du pantalon. Votre smoking s’accompagnera toujours d’un nœud papillon noir, idéalement noué par votre compagne. Il faudra éviter les nœuds tout faits que les esprits mal intentionnés pourraient vous offrir. Ce nœud papillon devra toujours être noir et de soie. Il s’accompagnera d’une ceinture coordonnée, appelée Cummerbund et inventée par les anglais dans les colonies indiennes pour remplacer un gilet qui donnait chaud.
D’autres smokings existent aussi. La variation la plus courante est un smoking bleu de minuit porté soit par des gens irréprochables qui ont un goût très sûr, soit par les nostalgiques d’Edward VIII, premier à populariser cette couleur de smoking et qui en portait probablement lors de dîners avec les nazis. Faîtes attention à envoyer les bons signaux : il serait désagréable que l’on vous classe dans la seconde catégorie. L’été, la veste du smoking pourra être blanche et sans soie, mais votre pantalon devra rester noir. À n’utiliser qu’en mer et uniquement si c’est sur votre yacht.
D’apparence faussement anodine, trois éléments vous permettront de vous distinguer : votre chemise, vos chaussettes et vos souliers. Votre chemise devra être blanche et immaculée – et devrait le rester tout au long de la soirée. Elle se portera avec des boutons de manchettes argentés, ou avec les boutons dorés de votre père. Votre chemise aura un col classique, pas trop ouvert, pour bien maintenir droit le nœud papillon. Laissez les cols-cassés aux nostalgiques d’Hercule Poirot. Si vous y tenez vraiment, vous pourrez essayer de vous procurer un col détachable, qui devra alors être amidonné mais deviendra alors aussi dur et agréable à porter qu’un col en papier de verre, effet garanti. Le devant de la chemise s’appelle le plastron : il peut être plissé – c’est très boogie-woogie mais hélas assez peu apprécié des femmes que l’on aimerait bien séduire. Plus sobre, le plastron de votre chemise de smoking devra être soit lisse soit en nid d’abeille. Il se ferme avec des boutons amovibles que l’on appelle studs ou goujons. Si vos boutons de manchettes sont en argent, les autres métaux de votre tenue devront l’être aussi, sinon vous aurez un air potache.
Vos chaussettes… n’en seront pas. En fait, vous porterez des mi-bas noirs qui monteront jusqu’aux genoux. Si vous voulez vous distinguer, prenez-les en soie, c’est bien plus confortable pour danser.
Enfin, point cardinal, les souliers. Il y a deux types d’hommes dans ce monde. Il y a ceux qui portent des opera pumps et il y a le commun des mortels. Les premiers ont la chance de porter ces souliers très décolletés dont l’origine remonte aux souliers de cour. C’est le comble du chic : ils sont en cuir verni et rehaussés d’un nœud de soie noire. Fragiles, les opera pumps ne se promènent souvent que des lounges des palaces aux intérieurs des voitures les plus luxueuses. Une paire d’opera pumps doit toujours avoir l’air neuve et doit se renouveler souvent. Les miennes sont doublées de rouge : je suis un peu canaille. Les malheureux seconds, qui ne portent pas le smoking plus d’une fois par semaine, se tourneront plutôt vers des chaussures à lacets. Évitez les chaussures vernies : vous risqueriez de tenter de les rentabiliser et de les porter sans smoking, ce que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi. Vous choisirez des Richelieu véritablement one-cut sans aucune couture apparente. Surtout : glacez-les. Aubercy, à Paris, vous répondra à vos attentes.
Touche finale : rangez ce Walter PPK et armez-vous plutôt d’une pochette de coton blanche roulottée à la main, dont vous laisserez les pointes dépasser avec impertinence de votre poche poitrine. Une montre extra-plate sera la bienvenue. Et n’oubliez pas : votre vodka-martini, c’est au shaker, pas à la cuillère.