De la côte caribéenne au nord du pays au triangle du café, à l’ouest, en passant par Bogota, la Colombie ne manque pas de charme et dispose même d’intérêts variés. Ballade à travers le pays…
Par Alice d’Intheville
Carthagène, sur la côte caribéenne au nord de la Colombie. Il est bientôt minuit. En ce samedi soir de février, la légère brise maritime vient rafraichir l’atmosphère encore chaude des ruelles du centre historique de la ville coloniale. Les murs colorés des maisons diffusent la chaleur accumulée tout au long de la journée sous les brulures du soleil. Il faut dire qu’en cette saison, sous une humidité concentrant 90 % de l’air, la température atteint rapidement 35 degrés. A deux pas de la baie et de l’hôtel Légende Santa Clara, ancien couvent construit au XVII ème siècle et maintenu en l’état, en plein cœur de la cité, un petit bar presque confidentiel laisse échapper, à l’angle de deux rues dont le calme n’est brisé que par quelques groupes de jeunes discutant sur leurs pas de porte, une lumière tamisée et quelques notes de salsa. A l’intérieur, l’ambiance est tranquille. Quelques jeunes sirotent tranquillement leur Club Colombia, la bière locale, négociée à 3 000 pesos – un euro. Amusés par le rythme entrainant de la musique, Jose et son épouse, dont les rides et les cheveux blancs trahissent un certain âge, se lèvent. D’abord un pas de danse, puis deux… des pas sûrs et précis. « Il n’y a pas d’âge pour s’amuser », glisse le vieil homme, fier d’être applaudi par les ados amusés et respectueux. C’est qu’ici, la fête est quotidienne et pour tous. La musique est une tradition.
Il est six heures, ce matin. Le soleil levant illumine la ville d’orange. Le spectacle révélé sous la lumière du jour qui s’annonce est étonnant de beauté : à l’intérieur des 11 kilomètres de murailles entourant la vieille ville de Carthagène, se dressent de basses maisons coloniales de deux ou trois niveaux, tantôt vêtues d’un rouge sang, tantôt d’un bleu roi, d’un jaune éclatant ou d’un vert printanier. Toutes arborent des balcons en bois ou en pierre, et affichent une propreté parfaite. Il faut dire que depuis 35 ans, la ville est classée au patrimoine mondial de l’Unesco. En parcourant les ruelles de cette vieille cité portuaire, autrefois bastion du royaume d’Espagne en Amérique du Sud quatre siècles durant, le calme qui règne rend difficile à croire que Carthagène concentre plus d’un million d’habitants. La ville moderne, à l’extérieur des remparts, semble si loin. Quelques taxis jaunes circulent dans les ruelles, et des calèches leur emboitent le pas.
La ville révèle de multiples monuments historiques ou valant le détour. Cathédrale, places, boutiques hôtels de charme, couvent de San Pedro Claver, château militaire de San Felipe de Barajas construit par les espagnols à l’époque coloniale offrant une vue panoramique sur la ville et la mer… Inutile de sortir des murailles et de ses portes entourées de canons pour profiter du spectacle. Mais bien sûr, les excursions en mer demeurent possibles et, en deux heures de bateau, peuvent dévoiler d’autres facettes de la région. Ainsi, lîle de Mucura, qui accueille l’hôtel Punta Faro, incarne à merveille la notion d’île des Caraïbes : plage de sable fin et blanc, mer chaude et transparente protégée par le récif corallien… L’endroit se prête à la parenthèse hors du temps. Cocktails de mangue et mojitos les pieds dans l’eau sont nécessairement au programme, de même que la plongée ou que le snorkeling au cœur du récif qui permet d’observer les différentes espèces de poisson, que la voile, ou que la sieste dans un hamac entre deux palmiers. Certes, la personnalité colombienne de ces îles n’est pas marquée, mais leurs présences si près de la côte reste l’occasion d’y mettre un pied.
Bogota, la capitale du pays, est beaucoup plus au sud. Ici aussi, la Candelaria, nom donné au centre historique de la ville, a gardé en mémoire son passé colonial caractérisé par des rues étroites et escarpées entourées de maisons basses et colorées au portes anciennes, aux emblèmes et aux sculptures encastrées dans les toits et les fenêtres et rappelant au visiteur que le lieu s’imposait à l’époque comme un berceau de l’aristocratie créole et espagnole. C’est dans ce quartier valloné, déclaré monument historique en 1963, et dans ses alentours directs que se concentre l’essentiel de l’offre touristique de la ville aux 8 millions d’habitants. Contrairement au reste de la ville, le centre présente une homogénéité architecturale. Pour prendre une pause, de multiples petits cafés offrent une ambiance citadine et sont généralement envahis par les artistes et les musiciens de rue.
Point central de ce cœur historique : la plaza de Bolivar, au centre de laquelle se dresse la statue de Simon Bolivar. Elle est entourée de la Catedral Primada au style néoclassique, rattachée à l’évêché, et caractérisé par ses grandes orgues historiques et sa magnifique chapelle du Saint-Sacrement aménagée dans la partie droite de l’édifice. Entourant a place, également, le palais Liévano abritant l’hôtel de ville, le palais du justice ainsi que le Capitole Nationale faisant office de palais présidentiel. Les rues partant de cette place donnent un accès direct à différents sites incontournables de la culture et de l’art à Bogota, à l’instar du Musée de l’Or. Sur trois niveaux, ce dernier abrite la plus importante collection d’orfèvrerie préhispanique du monde et compte différentes pièces des cultures indigènes de Colombie. Sont également concentrées ici pas moins de 35 000 objets en or et autant en céramique, coquillages ou os. Une demie journée est nécessaire pour visiter l’établissement. A quelques pas de là, le musée de Botero expose diverses œuvres latino-américaines ainsi qu’un nombre conséquent de peintures, scultpures et objets colombiens. Il dispose surtout d’une collection offerte par le maître Botero et de quelques toiles signées Monet ou encore Picasso.
D’autres musées donnent à Bogota une dimension culturelle importante, mais la ville moderne, nettement occidentalisée, dispose de quartiers populaires davantage axés sur la fête et la musique. A proximité de l’immense centre-commercial s’enchainent donc bars, restaurants et grandes enseignes de mode, essentiellement envahis le week-end. Les amateurs de danse et de musique trouvent alors leur bonheur à Andres Carne de Res, l’institution locale à la réputation interntionale. Cette enseigne, qui regroupe deux sites à Bogota et à Chia – à 40 minutes du centre-ville – s’impose comme l’un des restaurants les plus originaux du pays. Dans une ambiance excentrique reposant sur une décoration mi kitsch mi baroque composée de cœurs, d’images pieuses, de masques, de fleurs et d’objets en tout genre, Andres Carne de Res permet de profiter d’une cuisine locale cuite au feu de bois et d’écouter et danse au son de la rumba, de la salsa, du merengue ou du vallenato. Avec ses 900 tables et ses 5 000 places, le site de Chia affiche complet et envoûte tant les locaux que les touristes.
Autour de Bogota, la région regorge de sites historiques. Ainsi la petite ville coloniale de Zipaquira, à 50 kilomètres de la capitale et fondée en 1 600, qui abrite la surprenante Catedral del Sal – cathédrale de sel. Cette merveille, érigée en 1995 après la fermeture d’une première cathédrale similaire bâtie en 1954, est entièrement construite sous la roche par les mineurs de sel. Dans un jeu d’ombres et de lumières, ce site, qui repose à 200 mètres sous la terre, peut recevoir quelque 800 fidèles pour la messe hebdomadaire, dite tous les dimanches. Compte tenu de son magnétisme, ce site n’est en revanche pas conçu pour les batteries d’appareil électriques. En contrepartie, elle assure un calme unique dans une fraicheur bienvenue. Autour du site, les restaurants traditionnels ne manquent pas et l’on y trouve aisément souple de maïs et autres spécialités locales.
Cap à l’ouest de la capitale, vers le Triangle du Café. Cette vaste région, centre majeur de production de caoutchouc jusqu’au début du XX ème siècle, est à la fois un poumon économique pour le pays et un gigantesque poumon écologique, dont les paysages et la culture ont été classés en 2011 au patrimoine mondial de l’Unesco. C’est un passage obligé pour les voyageurs. L’image vaut le coup d’œil : à 2 600 mètres d’altitude, à quelques heures de route de Pereira, dans les Andes centrales colombiennes, nous voilà entourés de palmiers ! « Ce sont des palma cierra », explique le chauffeur au volant de sa Jeep. « Une espèce unique au monde. Nous ne la trouvons qu’ici ! » Vrai qu’à cette altitude, les arbres exotiques ne sont pas monnaie courante… Là, les routes sinueuses et désertes offrent une vue à 360 degrés sur la chaîne montagneuse et ses monts pointus et arborés.
A quelques minutes de route en côte au départ de Salento, nous arrivons à Valle del Cocora. Au milieu de la montagne, un petit complexe abrite restaurant et production de café. Le calme règne. Et à cette altitude, le soleil tape fort. L’endroit parfait pour le repos, mais aussi pour les ballades à cheval au milieu d’une nature généreuse et verdoyante. Traverser les rivières, galoper dans les champs au milieu des palmiers ou sur les longs chemins défoncés d’une montage d’une grande beauté, et avec un peu d’imagination, se prendre pour un acteur de western… Non loin, en contrebas dans la vallée, le village de Salento n’est pas sans charme. Considéré comme le village leplus touristique de la région en dépit de sa petite taille, il s’organise autour d’une large place centrale et de quelques ruelles en ligne droite. Les étals sont envahis de marchands de textile et de fruits frais, bienvenus sous ce soleil. L’intérêt du site n’est pas tant le village que le point de vue qu’offre son point culminant, accessible après quelques centaines de marches, sur la région du café et sa belle montagne. Salento, perdue dans la nature, est à quelques heures de route de Pereira, la ville phare de la région ou se trouvent les lieux les plus branchés : boites de nuits, restaurants gastronomiques, etc.
Plus loin encore, perdue dans la nature, l’appellation de région du café prend tout son sens. Les plantations s’enchaînent et l’odeur de café est omniprésente. Pas de doute, c’est là que ça se passe. Et c’est là qu’il convient de s’arrêter pour comprendre le fonctionnement de la production et de la récolte de café. Saman, propriété hôtelière à Armenia dotée de deux bâtiments d’architecture coloniale typique de la région d’Antioquia, possède sa propre production. L’endroit est idéal pour la visite, et des champs de plantation à la dégustation, permet de saisir l’ensemble du processus. Dans son site immense, Armenia propose d’autres activités, comme son enchaînement de sept tyroliennes installées au dessus des plantations. La plus longue d’entre elles, avec ses 400 mètres, permet de survoler à 100 mètres au-dessus les champs de café jusqu’à 80 km/h. Un spectacle magnifique autant qu’inhabituel.