Le froid est l’ami de l’homme élégant, l’hiver sa saison préférée : elle lui permet d’exprimer au mieux ses goûts, de mettre en lumière ses choix et même de prendre quelques risques toujours contenus.
Benoit Aguelon (Blaise de Sébaste, artisans tailleurs)
Avant d’être la première carte de visite de chacun, la tenue doit d’abord protéger son propriétaire des aléas du temps : froid de la pluie ou de la neige. Bonne nouvelle : le froid est l’ami de l’homme élégant, et l’hiver sa saison préférée : elle lui permet d’exprimer au mieux ses goûts, de mettre en lumière ses choix et même de prendre quelques risques toujours contenus. Cette saison permet par ailleurs de donner un repos bien mérité aux costumes et tenues d’été, torturés par le soleil et la transpiration.
À l’heure de la climatisation généralisée, les laines lourdes qui constituaient jadis l’intégralité du vestiaire masculin ont été progressivement abandonnées. La course effrénée des drapiers à qui saura tisser la fibre laineuse la plus fine en témoigne : la préférence contemporaine des laines légères est nette, si bien que la plupart des costumes fabriqués aujourd’hui sont « quatre-saisons ». Si l’intérêt de ces tissus est indéniable, puisqu’elles permettent un port quasi-annuel du costume, elles privent toutefois l’homme élégant du plaisir authentique de retrouver ses costumes et vestes d’hiver, aux tons plus chauds et au toucher plus moelleux.
Les laines d’hiver par nature plus lourdes ont un tombé plus structuré. Elles masqueront certains de nos défauts, là où la laine fine ne fera que les souligner. Un poids plus élevé est aussi une garantie de longévité : plus résistant, le tissu épais sera moins sujet au lustrage et à l’élimage. Songeons aux tweeds qui accompagnent les élégants tout au long de leur vie, pourvu qu’un bon tailleur soit capable d’altérer le vêtement en fonction de leurs évolutions morphologiques. Ces tweeds font aussi les plus belles vestes de chasse.
Qu’il s’agisse d’un costume à usage professionnel ou d’un ensemble dépareillé, plus décontracté, le froid autorise mélanges de matières et motifs plus audacieux. A la morosité du temps, nous répondons audace, découverte et lumière des tissus d’hiver ! Au préalable, et pour faire pièce à l’argument climatique, en dépit de la chaleur dans les lieux de vie, l’usage d’un tissu d’hiver est une réponse au port de la doudoune sous la veste (qui altère la tenue d’une veste et constitue un non-sens dans une garde-robe de qualité), et permet dans une certaine mesure de faire l’économie d’un lourd manteau dehors. Bien entendu, sortant de chez votre tailleur avec votre nouveau costume, l’entoilage à l’intérieur vous permet sans problème de prendre la pluie. Le tissu plus lourd vous fera moins ressembler à un chien froissé et mouillé que pour tout autre tissu.
Les tissus d’hiver se divisent en deux catégories, correspondant à leur utilisation ville ou campagne. Ils présentent un nombre important mais limité de matières et de multiples designs. « Tête de gondole » du tissu d’hiver, pour la ville comme la campagne, la flannelle est un incontournable. Selon qu’elle soit Italienne ou Britannique, le grammage diffère de 280 jusqu’à 450 / 500 grammes. Tissu à l’origine d’été, il est devenu iconique dans sa déclinaison bleu marine à rayures craies, portée par le Duc de Windsor et Gordon Geccko / Michael Douglas dans le film Wall Street. Il n’y a pas d’erreur de goût dans le choix de cette matière résistante, intemporelle et qui correspond parfaitement à la philosophie d’un costume patrimonial et à la manifestation d’une puissance. De la même manière, le motif Prince de Galles et ses multiples variantes offrent le plaisir d’envisager pour les plus gourmands une collection qui peut être un marqueur identitaire de votre image professionnelle !
Nous avons constaté que le choix de la flannelle est un vrai choix d’amateur. Les nouveaux convertis, dans leur itinéraire d’élégance et de découverte de celle-ci pourront préférer un entre-deux : le mélange laine/cachemire à une proportion généralement commune de 90 / 10. Les designs peuvent s’inspirer de la flannelle (notamment les rayures craies), tout en ayant un grammage proche des « demi-saisons » (260 / 280 grammes). Le toucher est soyeux, plus doux que la flannelle. Nous sommes dans le costume plaisir avec des matières nobles.
Autre matière rare, le cachemire est la plus répandue de celles-ci (environ 18 000 tonnes par an). La démocratisation d’un certain type de cachemire, par l’utilisation des fibres courtes et de la bourre de la chèvre cachemire qui reste après le peignage des fibres longues de première qualité ne discrédite pas l’existence du cachemire de haute qualité. Justement issu des fibres longues de la chèvre, qui en produit 100 à 150 grammes par an, le traitement par les filateurs et les tisseurs en 2 ou 3 fils fait du cachemire de certains drapiers un produit très exclusif, qui peut même être utilisé pour un costume complet !
Les camélidés présentent une laine saisonnière abondante avec des espèces fournissant des tissus d’une qualité incomparable. Parmi eux, citons le poil de chameau, en particulier celui du chameau de Bactriane (Asie centrale), l’alpaga andin, qui se distingue par son caractère domestique de la vigogne ne vivant qu’à l’état sauvage. Ainsi, la vigogne fait l’objet d’une tonte trisannuelle qui permet la récolte de 21 tonnes de laine. Soit plus de 2 500 fois moins que la production de cachemire !
Une manière de pallier l’extrême rareté de certaines matières est de l’assembler : ainsi, les mélanges laine / vigogne permettent de confectionner des costumes, citons aussi les mélanges cachemire / laine, cachemire / vigogne, etc. Bref, comme pour la gastronomie, votre élégance, lors de la saison froide peut satisfaire votre gourmandise des beaux tissus et des jolies pièces !