Il y a des jours ou le sens de l’art de vivre guide assurément nos pas… C’est ce qui semble nous arriver souvent à la rédaction, quand une petite voix ou une envie venue d’on ne sait où nous invite au détour d’une promenade à tourner ou à continuer encore un peu plus loin, dans une petite rue d’apparence vide, ou nous ne serions sans doute jamais allés.
Par Xavier Aubercy
C’est comme cela que commence, à l’ombre de la Sorbonne, la rencontre avec le coutelier Ceccaldi, son histoire, sa famille et ses magnifiques créations comme ses couteaux de berger, de chasse, de cuisine ainsi que ses pièces uniques. Que votre père un jour ait perpétué cette tradition de vous offrir « votre couteau » comme un moment de transmission, comme gage de confiance ou de passage à l’âge de responsabilité, ou, tout au contraire, que vous n’ayez jamais tenu entre vos mains qu’un objet industriel juste utile à la découpe des aliments, je puis presque vous dire que si vous passez un jour dans cette ravissante boutique de la rue Racine, vous risquez d’avoir de nombreuses envies d’ailleurs, tant masculines que féminines, et cela pour de nombreuses raisons.

Tout d’abord parce que la source qui jaillit ici est familiale, à travers l’histoire d’un père et de ses deux fils, et est issue d’une des plus belles régions de France et du monde : la Corse. Raison pour laquelle vous retrouverez sur les manches les bois d’olivier, de genévrier, d’ébène, de buis, de noyer ou de chêne vert de l’île mais aussi la corne des béliers locaux qui se disputeront vos faveurs, face aux métaux précieux, carbone et résines plus contemporains, qui seront associés aux aciers de Thiers.

Le couteau choisi ici aura été fait pour vous, afin qu’il soit un compagnon efficace et de tous les jours. Il sera garantie à vie et quand vous le souhaiterez, vous viendrez voir Simon à Paris, ou encore Sylvestre ou Jean-Pierre dans l’atelier de Porticcio, sur la rive sud du Golfe d’Ajaccio, pour le plaisir de voir votre lame affûtée comme au premier jour.

« Ce qui nous plait, c’est la variété », dit-on chez Ceccaldi. C’est aussi ce qui explique qu’année après année, depuis plus de 40 ans, la gamme des tentations s’est élargie et qu’elle compte aujourd’hui 6 à 7 propositions dans chaque catégorie auxquelles s’ajoutent les pièces uniques permettant d’oser un peu plus encore. Celles-ci s’habillent de gravures à l’ancienne ou des matériaux les plus précieux comme cet acier feuilleté Damas qui était exposé le jour de ma visite.

La forge qui fera la lame est sans doute le savoir-faire le plus emblématique du coutelier. Lors de l’opération, l’acier est porté à haute température afin de le rendre malléable et de pouvoir ainsi lui donner, sous l’impulsion du marteau du forgeron, sa forme et sa finesse définitive. Le plus souvent, les lames sont découpées selon un dessin ou un patron original sur des plaques ou des barres d’acier, et ensuite meulées afin de creuser l’acier, opération que l’on appelle l’émouture. Puis intervient une étape essentielle : la trempe. Elle consiste à passer au four les ébauches de lames à une température de 840 degrés pour les aciers carbone ou 1 040 degrés pour les inox et ensuite à les refroidir immédiatement soit dans l’huile, soit au contact de l’air selon le matériau. Ensuite, un nouveau passage au four à une température bien plus basse pendant une heure permettra de détendre cet acier et ainsi de le rendre moins cassant. C’est la parfaite maitrise de ces opérations qui définira le meilleur compromis de dureté, et donc la qualité du tranchant de chaque couteau fabriqué.

Comment ne pas être touché bien sûr par la personnalité de Simon et de la jeune femme qui l’aide dans sa ravissante boutique parisienne, ou encore par son couteau « Vendetta » ? Mais mon émotion du moment s’est portée sur les couteaux de table du quotidien, suscitant l’envie et le plaisir d’inviter plein d’amis à diner. Ici, peu de publicité mais une envie permanente d’être à la hauteur et un bouche a oreille de clients qui pour rien au monde ne laisseraient leur couteau si le maitre n’est pas là.


« A’ chi a un pane é un cultellu face a fata cum ellu volle », dit le proverbe Corse : « celui qui a un pain et un couteau taille la branche comme il l’entend. » Nous vous avons proposé le couteau, à vous de trouver le pain…
Boutique Parisienne : 15 rue Racine, 75006 – tél. : 01 46 33 87 20 / 5 boutiques en Corse