Difficile de toucher à une icône. Les uns crieront au scandale, les autres qu’elle doit vivre avec son temps. TAG Heuer s’est risqué à l’exercice avec sa mythique Carrera.
Olivier Müller
Le « pont entre tradition et modernité » est une antienne du marketing horloger – ou l’art de faire du neuf avec du vieux, sans froisser les vieux ni les nouveaux clients… TAG Heuer s’est saisi de l’occasion de ses 160 ans pour retoucher quelques courbes et angles de sa collection Carrera. L’exercice ne fut pas aisé : la Carrera est la création phare de la marque – en volume, en valeur, mais aussi et surtout en image.
Le premier virage s’est engagé en juillet 2020, avec quatre premiers modèles de Carrera Sport. Il se poursuit aujourd’hui avec des modèles plus habillés, que la marque veut plus « premium ». Dans les faits, cela se traduit en premier lieu par la disparition de la lunette tachymétrique, et de sa fameuse échelle à 400 km/h.
Ensuite, les quatre nouvelles Carrera présentées ce jour sont moins larges d’un millimètre : le diamètre de 43 mm passe à 42 mm, celui de 45 mm descend en 44 mm. La boîte a été retravaillée pour devenir plus fine. Cette recherche de profil plus fin a été soulignée par un travail sur les finitions, ainsi que par le développement d’un nouveau bracelet acier, alternant surfaces polies et satinées. Il s’étendra d’ailleurs progressivement aux autres modèles Carrera. Il en ira de même du calibre chronographe manufacture Heuer 02 : il équipe d’emblée tout nouveau modèle chrono et remplacera progressivement les modèles existants.
Enfin, de nouvelles couleurs de cadran arrivent : le vert, le noir et or (sur les versions 44 mm), et l’anthracite et champagne (sur les versions 42 mm). Néanmoins, malgré les apparences, TAG Heuer, sous l’impulsion de son nouveau PDG Frédéric Arnault, entend réduire les références existantes au sein de la collection Carrera. Progressivement, des modèles vont donc disparaître. Une opportunité pour les collectionneurs…
> Notre avis : Un exercice risqué… mais réussi. Ôter la lunette tachymétrique de la Carrera, c’est un peu comme retirer le compteur-tours d’une voiture de course : une hérésie. Sauf à ce que la montre ne s’oriente plus vers le même public. En d’autres termes, quitter le terrain de la performance pure pour aller sur celui du plaisir des lignes, de l’esthétique, voire de l’urbain. Pour une pièce créée en 1963, c’est un exercice qu’elle peut se permettre. La vénérable Carrera mérite et s’offre une variante plus apaisée, plus sophistiquée, plus élégante – en somme, une version plus mûre…pour collectionneurs plus mûrs également ? Le temps le dira. Il n’en reste pas moins un beau travail esthétique, qui refuse de tomber dans la facilité vintage et ouvre l’univers Carrera.